Ce film social ne tombe jamais dans le misérabilisme. Il démontre, dans chaque dialogue, combien la société est malade et comment les gens peinent à s’en sortir décemment. Le scénario est sec, pessimiste mais tristement révélateur sur le statut de la précarité en France.
Sorte de faux polar, Jamais de la vie pense au moindre élément narratif qui permettra de refermer le piège sur Franck, animal blessé et solitaire. Le spectateur le sait comme lui : l’inéluctable va se produire, mais qu’importe. Aujourd’hui plus que jamais, foncer vaut mieux que ne rien faire.
Entouré de petits seconds rôles qui participent tous au ton noir du récit (le beau-frère, la sœur,l’ancien collègue, tous synonymes d’échecs), le personnage central est une espèce de héros des temps modernes. Il veut l’équité pour tous sans se soucier des instances autour de lui (patron, police). A travers cet homme, Jolivet dévoile un brin d’utopie presque surréaliste. Alors que l’individualisme s’accentue encore et toujours, certaines personnes « ordinaires » peuvent voir au-delà de leurs intérêts.
Le véritable talent est celui qui ne se montre pas. Olivier Gourmet, 51 ans, est arrivé à la consécration avec Jamais de la vie. Sa force inouïe de rendre crédible ses personnages vient d’abord de son physique. Sa démarche ultra-réaliste et sa gueule passe-partout s’insèrent à merveille dans ces banlieues hostiles, lieux sauvages laissés à l’abandon. Sa voix rauque ensuite, à la limite de l’antipathie, trahit cette faiblesse qu’il ne peut pas toujours contenir. Avant d’être un ours, Franck est surtout une personne qui souffre profondément de l’injustice.
Félicitations à cet acteur unique, dans l’une des meilleures œuvres françaises de cette année.
Hugo Harnois.