Elza Soares, la plus punk des reines de la samba brésilienne.

DO BRAZIL – À 79 ans, la plus punk des reines de la samba brésilienne publie A Mulher d Fim do Mundo (la femme de la fin du monde), soit le portrait sans fard d’une chanteuse au parcours hors du commun, aussi écorché que le timbre de sa voix. Alors que les Jeux Olympiques battent leur plein à Rio, l’album d’Elza Soares se veut être une carte postale crue et tranchante du pays. « Sexe et noirceur », c’est ainsi que la diva décrit elle-même la tonalité et le contenu du disque, autobiographique et provocateur, le tout porté par un free jazz mélancolique, des dissonances rock parfois punk noise et une samba afro-brésilienne en fusion. Bouleversant, et on ne peut plus actuel.

 

 

Il y a cette histoire, souvent reprise, sur la percée d’Elza Soares. A 16 ans, elle se fait connaître comme chanteuse dans le radio-crochet d’Ary Barroso qui lui demande innocemment : « De quelle planète viens-tu ? », « Planète Faim » lui a-t-elle répondu droit dans les yeux. Il va sans dire que la future icône de la samba gagne le concours, avant d’être célébrée plusieurs dizaines d’albums et soixante ans plus tard comme une héroïne nationale pour avoir autant contribué à la richesse de la musique populaire brésilienne qu’Ella Fitzgerald et Bessie Smith au blues.

On pourrait écrire un roman de sa vie. Née pauvre dans une favela sans horizon de Rio, elle est mariée de force à 12 ans, mère à 13 et veuve à 21 puis en 1966, son histoire d’amour avec la star du football Garrincha déclenchera la fureur de la presse à scandale. Ils seront menacés, expulsés du Brésil en 1969 par le régime militaire avant de sombrer dans une spirale alcoolique mortelle pour l’un et la perte de cinq de ses enfants pour l’autre. « Sexe et noirceur ».

 

elza soares jovem

 

Aujourd’hui, Elza Soares a 79 ans et après une vie comme la sienne, elle semble s’autoriser à tout dire, sans fard et comme elle l’entend. L’album n’est pour autant pas morbide, il est plein de vie, plein de plus rien à perdre et c’est ce qui fait sa force.

A Mulher do Fim do Mundo s’ouvre sur la voix à nue d’Elza Soares et « Coração do Mar », un poème d’Oswald de Andrade qui évoque l’esclavage, aux racines du Brésil. Elle y parle aussi des répressions policières, des violences faites aux femmes, de racisme, ne cache rien de ce qu’elle sait de l’addiction aux drogues comme au sexe, le tout sur une musique écrite sur-mesure par des figures de la scène indépendante de Sao Paulo qui ont su capté l’énergie punk qui se dégage de la diva.

Il n’est pas nécessaire de comprendre le portugais pour être frappé de plein fouet par la voix d’Elza Soares et ce qu’elle porte de provocation, de chagrin et de dramaturgie. La fille de Planète Faim refuse de flancher. Et comme pour le prouver encore, elle chantait jeudi dernier sur l’immense scène du Estadio Maracaña pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Rio.

Elza Soares, A Mulher Do Fim Do Mundo, disponible chez Mais um Disco.

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