The Master, de Paul Thomas Anderson

Après There will be blood, le réalisateur Paul Thomas Anderson dissèque une nouvelle fois les mythes fondateurs de l’Amérique. Après les pionniers de l’extraction pétrolière, le réalisateur revient sur les années 1950 : cet après-guerre qui vend du rêve, mais ne fait pas rêver.Freddie Quell est un ancien marine alcoolique qui peine à réintégrer la société civile lorsqu’il est receuilli par Lancaster Dodd, métaphysicien, thérapeute et surtout gourou d’une secte pour bourgeoise en manque de frisson. Anderson signe un film déroutant : entre dégoût et fascination, incroyable.

 

 

Déjà dans There will be blood, la question de la filiation était au centre de la narration. La prise en charge du fils par le père, la transmission, la protection, ne sont pas des choses qui vont de soi pour Paul Thomas Anderson. Dans The Master, la question de la filiation va de pair, et c’est très dérangeant, avec une certaine part de séduction et d’érotisme. La sexualité est sous-jacente à tous les rapports sociaux au sein de cette communauté (pour ne pas dire secte) qui ressemble à une grande famille. Ainsi, le film d’Anderson est déroutant car tout se mélange entre maître et disciple, thérapeute et patient, père et fils, patron et homme de main, mais aussi amants. Car on en vient à douter que ce soit Lancaster Dodd le maître. La fascination que provoque Joaquin Phoenix touche autant les autres personnages que le spectateur qui assiste à sa performance dramatique digne des grandes heures de l’actor’s studio. Dans cette perspective, ne devient-il pas le maître ? Un maître incontrolâble, névrosé, dangereux…

 

The_Master

 

Néanmoins, le film de Paul Thomas Anderson n’est pas seulement déroutant par sa dramaturgie et les rapports complexes et pervers qu’il établit entre les êtres dans une société moins idéale et homogène qu’elle n’y paraît. The Master surprend car cette horreur des êtres traumatisés, en quête de réponses et de stabilité, est liée à une magnificence de l’image. Il convient de saluer le travail incroyable du chef opérateur Mihai Malaimare Jr qui est parvenu à créer des images d’une immense beauté. Les cadres sont composés au millimètre, les lumières mettent en valeur la part d’ombre et de transparence en chacun des personnages, les paysages sont désertés. Or, cette beauté esthétique, presque plastique de l’image est constamment remise en question par une musique très contemporaine qui instille une nouvelle dimension au propos : le doute, le malaise s’échappent alors de ces situations qui n’ont rien, a priori, d’abjectes en elles-mêmes.

 

 

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