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Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann

Drame ou mélodrame ? Le nouveau film de Baz Luhrmann, Gatsby le magnifique, divise l’opinion, jusque dans ma propre famille ! Projeté en ouverture du festival de Cannes, le nouveau film du réalisateur de Moulin Rouge et Roméo + Juliette, est adapté du roman de Scott Fitzgerald. Comme pour l’Ecume des jours de Michel Gondry, nous nous attacherons à commenter le film comme une œuvre à part entière, qui vaut en soi. Les questions de respect de l’œuvre originale n’ont donc pas cours ici. En outre, une fois n’est pas coutume, je vais devoir vous parler un peu de moi : fraîchement rentrée chez mes parents, je discute avec mon père de Gatsby. Crise en la demeure, bataille d’Hernani, voire guerre des tranchées ; nous avons été incapables de nous entendre. Par soucis de justice, d’équité, et de libre expression des opinions, l’article que nous vous livrons aujourd’hui, est donc écrit à quatre mains.

 

Une chronique sociale implacable :

Un narrateur alcoolique, Nick Carraway (alias Tobey Maguire) évoque la seule amitié respectable qu’il ait eue : un aventurier mystérieux (Gatsby, interprété par DiCaprio) tisse une toile, à grand renfort de fêtes opulentes, attirant toute la nouvelle société new yorkaise sur fond de prohibition et d’emballement boursier. Daisy, (Carey Mulligan), son amour perdu de jeunesse est la perle la plus parfaite pour habiter l’écrin qu’il a construit toutes ces années. Hélas, la belle est mariée à un vulgaire joueur de polo, infidèle de surcroît.

Par conséquent, Baz Luhrmann va au-delà du mélodrame romantique pour nous livrer le récit d’un amour qui semble contrarié par son temps. En effet, Gatsby est aux prises avec son désir d’ascension sociale et son souci des apparences. Alors, cet amour ne serait-il pas qu’un rêve ou une revanche ?

 

Un mélodrame sirupeux :

Quelle que soit la nature de ce sentiment amoureux, on n’est pas loin de l’esthétique de la main posée sur le front, et de la blonde soupirante de mièvrerie. Gatsby est un pur mélodrame dans ce qu’il a de plus détestable : l’amoureuse est inconstante, le narrateur est déprimé, et nous aussi. Aucun romanesque dans cette histoire, aucun élan lyrique qui porte véritablement le sentiment amoureux aux nues. L’intrigue est plombée par un déterminisme social, une fatalité implacable qui n’excusent pas la lenteur et la pesanteur du film. Malgré une bande originale à faire frémir de plaisir, on reste de marbre face aux pérégrinations amoureuses de ces personnages pour lesquels on n’entretient aucune empathie.

 

Gatsby

 

Kitsch et mystère :

Pourtant, qu’il est mystérieux cet homme. Tout ce qu’on voit de lui, ce sont les paillettes, les diamants, les danses et les musiques. Même une fois qu’il apparaît à l’image, il se dérobe constamment à notre compréhension pour d’incessants et lointains coups de téléphone. Quid de son passé, de ses origines ? D’où vient l’argent ? A défaut d’empathie pour certains, l’interrogation que suscite le personnage de Gatsby et son milieu si flamboyant, suffit à nous accrocher.

 

Un film clivé :

Les années 20’s ont en commun avec les années 2010 un certain goût pour les paillettes, l’argent virtuel, le toc et le bling bling. Baz Luhrmann, maître du mélange des genres et des époques, mixe parfaitement charleston, Jay Z et autres Lana Del Rey. Pourtant, cette phase ascendante censée définir la magnificence du personnage est trop courte, trop hachée, voire frustrante pour le spectateur. Cette jouissance du kitsch est trop vite happée par une (longue) phase déclinante, entreprise méticuleuse (et pénible) de démythification des personnages principaux. Cette division de l’histoire en deux parties distinctes fait écho au clivage des espaces qui ressemble à s’y méprendre à une topographie religieuse plaquée sur le modèle enfer/purgatoire/paradis, et sociale entre prolétariat et bourgeoisie accomplie ou en devenir. La caméra circule sans jamais couper d’un espace à l’autre, et pourtant, chaque espace est clos sur lui-même : les pauvres travailleront toujours à la mine, la fête et le luxe ne fait que traverser leur territoire, sans jamais s’y arrêter.

 

Dégoût et amertume :

Ce qu’il reste de Gatsby le magnifique, lorsqu’on quitte le cinéma, c’est une étrange sensation d’amertume. Récit de personnages tous corrompus par les faux semblants, prisonniers de leurs conventions, seul le narrateur et Gatsby semblent échapper à la règle. Le jeune narrateur se détourne de ce milieu, incapable d’en supporter l’hypocrisie, survit mais sombre dans l’alcoolisme. Gatsby, lui, reste entier dans la poursuite de sa quête, jusqu’à son dernier souffle. C’est donc bien le drame d’un personnage magnifique et incorruptible qui se sera brûlé d’avoir trop voulu.

 

 

Michel et Clara LAVIGNE

 

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