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Perfect Mothers

Australie. Deux nymphettes blondies se poursuivent sur la une plage de sable fin plongeant dans une lagune azurée. Le ciel lapis-lazuli se reflète sur la surface immaculée de l’étendue marine que seuls quelques dauphins viennent troubler de leurs jeux innocents. Le cliché n’est plus très loin. La course poursuite s’achève sur un ponton précaire isolé dans l’immensité bleue ; une dernière fois on contemple les tâches de rousseur de la peau juvénile et les reflets bleutés des regards.

 

Une prolepse et nous voilà transporté dans le temps. Même plage, même azur. Nos deux jeunes amies sont désormais quinquagénaires mais les années sont passées sans marquer ni la profonde amitié des deux femmes, ni leur beauté – puisque l’on retrouve Naomi Watts et Robin Wright sous les traits de Lil et Roz. L’une veuve, l’autre mariée sont à présent mères et contemplent chacune leur fils s’ébattre dans les rouleaux tels « deux dieux » : silhouette longiligne, muscles saillants, peau cuivrée et regards charmeurs, nos deux Poséidons, Ian et Tom sont incarnés par ces deux beau gosses jusqu’alors peu entrevus à l’écran : Xavier Samuel et James Frecheville, tout droit sortis d’un pub Hollister.

 

             Tout Paradis n’en serait pas un sans tentation – on verra d’ailleurs notre quartet partager une pomme dans une scène au symbolisme un peu télescopé – et, sous ces cieux lisses dignes d’une page de magazine d’agence de voyage, va naître le désir. Un soir où le chardonnay australien aura achevé de brouiller les repères dans l’endroit coupé du monde, Ian, le fils de Lil est initié aux mystères de l’amour par Roz. Le lendemain, voyeur involontaire de la scène, le fils de Roz, Tom, viendra visiter les draps de Lil, complétant ainsi le carré amoureux.

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Quelques remords, des accès de culpabilité (bien vite étouffés), une anicroche entre les deux fils, passage obligé bien sûr, mais pas tant que cela. A l’heure de la mode langagière des cougars et autres milfs, la grande finesse du réalisateur est de surfer sur l’écueil de la transgression des codes sans jamais sombrer dans la vulgarité gratuite. Les scènes de nu sont elliptiques et toutes en retenue, la sobre élégance de nos amants achève de densifier la tension, de voiler de quelques cumulus l’atmosphère idyllique. Car derrière une relation du jeune éphèbe à l’amie de la mère – cette seconde mère – plane, dérangeant et insidieux, le tabou de l’inceste. Regarder Perfect Mothers, c’est comme lire Lolita de Nabokov, c’est accepter de parfois perdre le contrôle et voir se brouiller les limites entre la délicatesse du traitement et l’horreur de la réalité.

 

Le trouble s’élève par degrés successifs lorsque la rentrée reprend ses droits. L’un rencontre à Sidney une jeune actrice, se marie et devient père, très vite suivi par l’autre. Se distillent alors en nous les doutes que la passion entrevue avait dérobé nos yeux : une telle relation est-elle possible alors que pointent déjà – comme lorsque Lil se penche sur son reflet au miroir – les premiers signes du temps sur les visages des mères ? Sur la même plage, les anciennes amantes jouent aux grand-mères – le film est adapté du roman Grandmothers de Doris Lessing – entre fils et belles-filles. Quelques regards perdus s’entrecroisent encore sous les verres teints des lunettes, les caresses se rappellent au souvenir, le feu de l’ancien volcan crépite sous les cendres, et déjà un nouvel orage se profile à l’horizon.

 

Si Anne Fontaine n’est pas une grande formaliste et si quelques maladresses viennent entacher le scénario, la réalisatrice peut compter sur le talent et le naturel des deux actrices aux mèches cuivrées, en témoigne cette scène d’une rare intensité où les deux mères peinent à comprimer un fou rire devant les avances d’un prétendant dans la fleur de l’âge. Un film à voir, ne serait-ce que pour éprouver nos limites et nos repères moraux.

 

 

Arnaud Idelon

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