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The place beyond the Pines de Derek Cianfrance

 

S’il fallait ménager une transition d’une semaine à l’autre entre nos chroniques, je dirais que ce qui lie A la merveille de Terrence Malick et The place beyond de Pines, de Derek Cianfrance, c’est l’atmosphère. On nous a beaucoup bassiné ces derniers mois avec la peinture d’Hopper qui semble devenue artificiellement populaire par l’effet d’annonce de l’exposition au Grand Palais qui vient de s’achever à Paris. Pourtant, ces trois œuvres ont en commun cette suspension atmosphérique, cette ambiance comme suspendue dans le temps. Après le très beau Blue Valentine, Derek Cianfrance retrouve Ryan Gosling qui joue encore de son charisme à la Drive pour nous livrer un film en état de grâce malgré un déterminisme pesant.

 

S’il ne fallait retenir qu’une scène de The place beyond the pines, je choisirai sans hésiter la séquence d’ouverture. Les références abondent, le style est proche du maniérisme ampoulé ; et pourtant la scène a une force, une grâce incroyable. Ryan Gosling enfile une veste en cuire rouge, pas de scorpion cette fois, la caméra épaule le suit, de dos, aucune profondeur de champ. On dirait Mickey Rourke dans The Wrestler d’Aronofsky. Sauf qu’à la place du ring, et du catch, c’est une boule métallique avec trois motards fous qui tournent à toute vitesse sans jamais s’effleurer. La caméra va même jusqu’à filmer à l’intérieur de l’habitacle. Le chef opérateur Sean Bobbit a d’ailleurs faillit y laisser sa peau. Ensuite, le beau motard, bad boy silencieux recouvert de tatouage ramène la magnifique Eva Mendès chez elle. Le romantisme de la situation et le charisme des personnages (y compris les rôles secondaires comme Ben Mendelsohn) l’emportent sur la pesanteur du déterminisme qui scelle les destins de père en fils, sur trois générations.

 

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Ainsi, le traitement du temps et de l’espace est vraiment singulier dans le film de Derek Cianfrance. Schenectady, cette ville comme des milliers d’autres aux Etats Unis croit-on, ce sont des banques, des pavillons résidentiels, un restaurant… on s’attendrait presque à voir la station d’essence de Hopper. Une fois que les personnages entrent dans cette ville, ils n’en ressortent pas. The place beyond the pines est un lieu maudit où les pères écrivent l’histoire de leurs fils sur trois générations. Ces filiations maudites ne peuvent être rompues qu’en s’arrachant du lieu, sans renier ses origines, mais en s’en émancipant géographiquement.

 

 

Clara Lavigne

 

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