Di Melo, « L’immortel » !

Il est des rencontres qui sont improbables, et le festival Jazz à Vienne s’est fait une spécialité à travers sa programmation musicale du Jazz Mix. Comme par exemple il y a quelques années avec le concert de Setenta et Joe Bataan, cette année c’est la rencontre de Di Melo et Cotonete qui valait le déplacement. Improbable déjà de voir le nom de Di Melo dans la programmation : cet artiste inclassable avait sorti un album éponyme époustouflant, funky et groovy à souhait, en1975, puis était sorti des radars pour ne laisser derrière lui qu’une seule œuvre, mais une pièce maîtresse qui a à tout jamais gravé le nom de Di Melo dans le panthéon des étoiles filantes brésiliennes. Aujourd’hui c’est fort d’un récent deuxième album et d’une fructueuse collaboration avec le collectif franco-brésilien Cotonete qu’il réapparait pour enchanter nos salles de concert et nos platines !

dimeloCommençons par le début et ce superbe album, quelle étaient tes influences à l’époque ?
Depuis que je suis tout petit je me suis intéressé la musique, j’ai toujours entendu ma mère chanter… je ne peux pas nommer de vraies influences car ma musique, ma créativité, mon inventivité surgissent de l’intérieur, c’est quelque chose que je ressens.
J’ai toujours écouté de tout à cette époque dans les années 60, que ce soit des chanteurs traditionnels brésiliens comme Elza Soares, ou des plus connus comme les Rolling Stones, bref, tout ce qu’on peut imaginer…. Ma musique est le fruit d’influences multiples ; c’est un son différent qui est né en moi, naturellement, intuitivement, et qui est un mélange de tout ça.
J’ai 400 musiques composées, dont certaines avec Baden Powell, avec Jair Rodrigues, Waldir da Fonseca, et d’autres encore… Rien ne se ressemble. Tout est le reflet très particulier d’un moment en lien avec ma vie ; donc à chaque fois, selon ce que je vis, je peux faire des morceaux complètement différents.
Je m’amuse. Ma préoccupation a toujours été de faire de l’art. J’ai fait de la peinture, de la sculpture, du théâtre, mais j’ai toujours été plus attiré par la musique de toute façon ; ce que je fais est artistique, en ce moment c’est la musique, je veux faire ça, je suis toujours en train de composer, de créer, et c’est ça le plus important…

Comment s’est passé la création et l’enregistrement de ce disque ?
Sur ce premier disque, les morceaux « Kilario » et « Minha Estrella » ont été faites au Japon et le reste au Brésil. J’ai eu beaucoup de chance parce que j’ai travaillé avec de super compositeurs, des super musiciens qui sont aussi des amis : j’ai été très heureux de faire ce travail avec des gens comme Hermeto Pascoal, Claudio Beltrami, etc… avec des arrangements de Geraldo Vespar, et de José Briamonte qui ont fait un travail très élaboré, d’un haut niveau musical, d’un grande qualité, d’une grande sensibilité. Tout le monde a beaucoup donné avec beaucoup de cœur, c’était un grand travail. C’est pour ça que c’est un grand album, parce c’était un travail collectif ; j’ai toujours eu de la chance de travailler avec de très bons musiciens… Je suis maintenant très heureux d’être ici, de faire cette interview avec vous, d’être en tournée avec Cotonete qui est un des meilleurs groupes de l’univers…

https://www.youtube.com/watch?v=4xPyjm66_aY

 

Quel lien avais-tu avec une scène funk brésilienne des années 70, comme Toni Tornado, Helio Matheus ou Marcos Valle ?
Ce sont tous mes amis ! Helio Matheus est décédé maintenant, Toni Tornado est mon ami… Certains font encore des concerts aujourd’hui au Brésil, et l’on partageait ce mouvement de musique soul brésilienne. A l’époque, on était déjà amis, et même si on ne travaillait pas ensemble sur un projet, on se connaissait et on s’appuyait les uns les autres.

dimelo-immorivelTu as sorti ton deuxième album 40 ans après le premier, en 2016…
Des gens au Brésil ont dit que j’étais mort d’un accident de moto, on a donc eu l’idée de faire un documentaire de 25mn, « Di Melo – Immorrivel » (« Di Melo – Immortel ») ; ça a beaucoup marché, on a gagné des prix dans des festivals de cinéma au Brésil, on a exporté ça dans plusieurs pays, et donc ensuite on a fait l’album du même nom. On n’a fait que 300 copies, c’est un tirage très limité, il n’en reste que 15 !

Aujourd’hui je travaille avec Cotonete : pour le live on fait une fusion entre mes deux albums, le travail de Cotonete, ainsi que des morceaux inédits qui sortiront sur un prochain album commun entre moi et Cotonete. Le concert mélange toutes ces influences, les meilleurs morceaux…

L1000111-20180705-Di Melo and Cotonete-Pierre Corvaisier

Tu viens du nordeste : de quelle manière tu rajoutes les influences du Pernambuco dans sa musique ?
J’ai beaucoup vu des artistes de forro comme Luiz Gonzaga, Jackson do Pandeiro, et d’autres encore que je côtoyais pour jouer, pour faire la fête, boire des bières ou tout à la fois…
Le Pernambuco est très riche musicalement et a un son propre qui diffère de tout ce qui se fait au Brésil. Même si on pense que c’est Salvador de Bahia qui exporte sa musique un peu partout, Recife a vraiment une culture spécifique, très spéciale et très forte, très présente dans ma musique malgré moi. Pernambuco a des sons très caractéristiques : le frévo du caranaval, le maracatu… quand tu écoutes l’album tu vas entendre une percussion qui va te faire penser à un « coco » très traditionnel, des rythmes du forro, c’est vraiment une fusion de tout ça.L1000027-20180705-Di Melo and Cotonete-Pierre Corvaisier

Pour quelqu’un qui ne comprend pas le portugais, que souhaites-tu transmettre à travers tes albums ?
Je veux transmettre mon son à travers le monde. Le langage de l’amour et de la musique sont universels. Peu importe si je chante en portugais, les gens ressentent l’amour, la joie, l’amusement à travers ma musique et vont appuyer mon travail.
« La vie est unique, il faut faire ce qui te fait plaisir, sans cela, personne ne pourra vivre ses rêves ».
Ma musique est sincérité, honnêteté, simplicité, vivacité, sagacité et … crétinité ! (rires)

Comment expliquerais ta musique à un sourd ?
La musique de Di Melo guérit tout, que tu sois sourd, aveugle ou muet…

Photos Jazzavienne : Pierre Corvaisier

 

Voici la bombe funky de Di Melo et Cotonete, sortie en maxi sur le label français Favorite Records, en attendant l’album prévu pour 2019 !

Découvrez aussi

Pouvez-vous nous expliquer le concept de « The Groove Merchant » ? Roger B : The Groove Merchant c’est une heure... Lire la suite
Un vent chaud de musiques et cultures nomades soufflera à Chambéry du 09 mars au 18 mars. 21e édition du […] Lire la suite
La médiathèque Jean-Jacques Rousseau a fêté ses 30 ans en octobre dernier Radio Ellebore a posé ses micros à la... Lire la suite