Originaire de Caen, Etienne de la Sayette s’est d’abord passionné pour la flûte irlandaise, puis pour les fanfares roms de Macédoine avant de créer un groupe inclassable, Frix, qu’il définit comme « un laboratoire » dans lequel ils ont expérimenté le travail des samples, l’esthétique du collage et les références au cinéma de série Z … entre autres. Mais on retrouve également le saxophoniste aux manettes d’Akalé Wubé, l’excellent quintet parisien passionné d’éthio-jazz, ou encore de Gulab Ja Moun, une fanfare de chambre.
Etienne de la Sayette s’échappe aujourd’hui en solo avec Maputo Queens, un petit bijou d’afro-jazz méditatif entre kalimba et percussions coréennes. Calme et profondeur.
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# MAPUTO QUEENS
Véritable fusion, voire digestion, de toutes les sonorités qui habitent les oreilles d’Etienne de la Sayette, Maputo Queens dessine ses propres lignes entre le Mozambique et le Nigeria avec un crochet inattendu mais pas complètement fou par Séoul. Le musicien y joue du saxophone, des claviers et parfois du kayageum (une cithare traditionnelle coréenne).
Du gospel animiste de « Mafa Doubou » au groove cool et cinématique de « Jungle Blue », un titre hommage au film « Rey del Amazonas » (une version Z de « Tarzan » de 1978), cet album est une véritable épopée tantôt emmenée par le jeu de batterie dynamique d’Arnaud Lechantre, tantôt confiée au calme suspendu des « moktaks » (les cloches en bois traditionnelles des temples bouddhistes coréens). Etienne de la Sayette explore les rythmiques comme autant d’escales d’un continent à l’autre. A l’instar de « I’m so cool in Seoul », une délicatesse de jazz spirituel qui relie Addis-Abeba, Paris et Séoul.
Maputo Queens, l’album que vous écouterez encore. ♥♥♥ – dans les bacs chez Paris DJS.
Le + : Paris DJS et Etienne de la Sayette ont lancé une opération de crowdfunding sur KissKissBankBank pour le projet Maputo Queens. Jetez-y un œil ou deux ici.
# BAESHI BANG
Qui a dit que la Corée ne savait pas faire mieux que « Gnamgnam Style » ? Certainement pas Etienne de la Sayette. Baeshi Bang (prononcer Béchi Bang) est un quintet du type ovni, vraiment atypique, puisque l’ensemble a monté tout un projet autour du répertoire d’un chanteur coréen des années soixante totalement inconnu en France : Bae Ho.
Inlassable défricheur, Etienne de la Sayette a voulu redonner vie aux chansons et à l’esprit de celui qui fut une véritable superstar en Corée avant de mourir en icône populaire à 29 ans en 1971. Crooner oublié, Bae Ho était entouré d’une équipe de paroliers et de compositeurs qui composeront pour lui un style « influencé par la chanson traditionnelle coréenne, l’Enka japonais et les orchestres de variété occidentale ». Ses chansons sont pour beaucoup l’expression d’une culture populaire de qualité qui semblait déjà dessiner les contours de la future sono mondiale en métissant les sons traditionnels aux grooves occidentaux.
Bae Ho ayant enregistré plus de trois cent chansons, Etienne de la Sayette et les musiciens du quintet n’ont que l’embarras du choix pour réinterpréter librement son répertoire éminemment novateur pour l’époque. Il en résulte, avec ce nouvel album, une K-pop vintage revisitée par des musiciens qui prennent beaucoup de plaisir à la jouer et à la faire découvrir au public sous un angle jazz sidérant de modernité, au-delà de tout prétexte exotique.
♥♥♥ – Nouvel album dans les bacs chez Buda Musique depuis le 13 mai 2016.
Le + : Aujourd’hui, il n’y a guère que les anciens pour chantonner encore les tubes du crooner oublié, et encore, les mémoires sont fragiles en Corée. Mais la chaîne de télévision coréenne KBS1 a récemment diffusé un documentaire sur Bae Ho dans lequel Etienne de la Sayette s’explique sur le projet Baeshi Bang.
# AKALé WUBé
C’est sans doute parce qu’Etienne de la Sayette n’utilise pas la musique africaine comme l’épice tendance d’une nouvelle pop arty que nous l’aimons si fort chez Ellebore. Non, son amour relèverait plutôt d’une attirance inconsciente mais vitale, quelque chose peut-être de l’ordre du tropisme, comme les tournesols vers le soleil. Et il en va de même lorsqu’il joue avec Akalé Wubé.
Le point de départ : un disque de Mahmoud Ahmed, Ere Mela Mela, publié en 1986 pour la première fois hors d’Ethiopie par le producteur Francis Falceto qui ne s’imagine pas qu’il met en route une véritable révolution. A ce vinyle fondateur succèdera la collection des Ethiopiques qui dépasse aujourd’hui les 30 volumes, sainte bible planétaire de l’éthio-jazz.
Cette musique de danse des années 60 et 70 au royaume d’Haïle Sélassié est déjà elle-même très métissée. Les Ethiopiques tombe dans les mains d’Etienne de la Sayette et c’est le véritable coup de foudre pour lequel l’éthio-jazz, gorgé de funk de soul de guitares aux accents reggae et de fragments nettement plus traditionnels, est une révélation. Ainsi né Akalé Wubé en 2009.
En sept ans d’existence, Akalé Wubé n’a cessé d’élargir le cadre où se déploie sa musique, de plus en plus riche et de plus en plus profonde en multipliant les collaborations avec des musiciens et danseurs éthiopiens, africains et européens. Après avoir repris des standards de Mulatu Astatké de manière « un peu scolaire », l’ensemble se libère grâce à l’improvisation et propose alors de nombreuses compositions originales en explorant les racines pour les frotter à leur son contemporain.
Peu à peu, les quelques deux cent concerts d’Akalé Wubé à travers le monde en ont fait les ambassadeurs mondiaux du groove éthiopien et pour cause : Akalé Wubé régénère l’éthio-jazz.
♥♥♥ – Trois albums : Akalé Wubé (2010) chez Clapson – Mata (2012) chez Nabligam – Sost chez Clapson (2014)