Paul Dédalus est maître-assistant à l’université de Nanterre. Il n’arrive pas à finir sa thèse et ne sait plus où sa relation avec Esther va le mener. Oui, mais ça, c’était avant, ou après, en fonction du point de vue que vous prenez. Vingt ans avant Comment je me suis disputé…, Paul a une enfance, qu’Arnaud Desplechin va nous raconter.
Formellement impeccable, Trois souvenirs de ma jeunesse défie tout ce qui se fait de mieux dans le cinéma français. Cette œuvre ressemble à une balade nostalgique, où lyrisme et sentiments s’entremêlent pour former un tout complexe, romantique et intellectuel. La littérature élitiste du réalisateur accompagne ces personnages perdus, qui constituent aujourd’hui des figures classiques du cinéma hexagonal. Leur amour singulier invite à la réflexion, leur charme ravageur nous fait oublier leurs minauderies, leur innocence infinie les classe dans la cour des grands.
Grand, comme Arnaud Desplechin, cinéaste surdoué, hors-normes, qui propose aujourd’hui quelque chose de bien plus ambitieux et réussi que son précédent film, Jimmy P.. Ici, la mise en scène n’omet aucun détail stylistique (méticulosité constante du cadre, précision sonore, soucis de l’interprétation et de son originalité) et rend honneur à cette narration flamboyante.
Car ce scénario démesuré va au bout de chaque voie qu’il entreprend. L’enfance, déterminante pour Paul, lui fait perdre ses véritables repères que sont ses parents. L’adolescence devient alors l’étape cruciale, où le jeune homme peut se construire et choisir qui il va devenir. Il décide alors de se faire usurper son identité volontairement. Signe de son irrémédiable décalage avec la société, qui se répercutera dans Comment je me suis disputé…
Trois souvenirs de ma jeunesse a, en effet, un rôle double. Celui de source, et de prolongement au film de 1996. Il explique les racines d’une psychologie troublée tout en créant un nouvel arc narratif. Mais tout cela n’est pas une surprise, tant l’artiste nous a habitués à l’excellence avec ses créations complexes et grandiloquentes. Les techniques employées sont les mêmes, et vont de cette voix off qui répètent tout ce que font les protagonistes, jusqu’à la fermeture partielle de l’iris, permettant au réalisateur de jouer une nouvelle fois avec
le cadre et d’imposer au récit un certain voyeurisme. Alors le nouveau long-métrage de Desplechin est-il le chef- d’œuvre de l’année ? Non, maisune nouvelle pierre à l’édifice qu’a bâtie ce réalisateur, tout sauf comme les autres.
Hugo Harnois.
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