Les vieux préceptes ont la vie dure, et il faut parfois des années et des décennies de patience pour les faire tomber. D’innombrables arguments et des pleurs incessants pour faire comprendre que les choses changent, et doivent évoluer. Le Procès de Viviane Amsalem, création sortie de nulle part, est une petite leçon de cinéma qui invite au respect, tant pour son propos que pour sa technique irréprochable.
Actrice et réalisatrice de ce film, l’israélienne Ronit Elkabetz dénonce un fait incompréhensible et cependant bien réel dans son pays : l’impossibilité pour une femme de divorcer sans l’accord de son mari. Elle traite ce sujet houleux de façon très intelligente, en nous parlant du lien qu’a son peuple avec la religion, et de cet éternel paradoxe : le respect qu’on doit accorder à autrui s’opposant à l’inégalité totale entre une femme et un homme.
Dans ce procès, on trouve Simon Abkarian, toujours fabuleux de mutisme et de charisme fragile. Il symbolise à lui-seul l’homme et sa fierté destructrice. En empêchant Viviane de divorcer, il préserve son statut de mâle dominant et la contraint à n’être que son épouse, et non une femme à part entière. Tous les témoins passant un à un à la barre représentent un parfait tableau de cette société éthiquement conservatrice : hypocrites et parfaitement conscients des erreurs de leurs croyances.
Dans ce huit-clos accablant, les protagonistes se mettent véritablement en scène devant des spectateurs irrités par tant d’iniquités. Le septième art sert alors de témoin dans ces procès qui ne devraient plus exister, tandis que le public est seul juge de ce qui se déroule sous ses yeux. La caméra, n’effectuant aucun mouvement pour ajouter à cette œuvre une atmosphère stérile, ne nous lasse à aucun moment. Pourtant, six ans se passent dans cette salle où le destin d’une femme, mais aussi son honneur, sont en train de se jouer. Cette histoire intime prend alors une autre tournure, celle du combat pour la liberté. Un grand tour de force.
Hugo Harnois.
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