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Welcome to New-York de Abel Ferrara

 

S’il y bien un film dont vous avez entendu parler ces dernières semaines, je pourrai parier qu’il s’agit de Welcome to New-York. Voilà quelques temps déjà que le film fait le buzz. Tout a commencé lorsque son producteur annonçait qu’il n’y aurait pas de sortie en salles pour le film, que celui-ci allait être uniquement mis en ligne sur les plateformes de téléchargement, en VOD. Voilà déjà une première surprise, puisqu’Abel Ferrara, en réalisateur réputé, aurait peut-être pu trouver un public en salles. Le film était donc annoncé ainsi et projeté à Cannes, en-dehors de l’organisation officielle. Nous re-voilà plongé dans le scandale de l’affaire DSK, sauf que cette fois, c’est bien l’affaire « Welcome to New-York » : le film déplait, les journalistes crient à l’horreur, les journaux télévisés consacrent un reportage de leur édition aux réactions nauséabondes que suscitent le film. Alors, qu’est-ce qui fait scandale ? Ce film est-il réellement à jeter ?

 

Gérard Depardieu interprète Devereaux, un homologue cinématographique de DSK dans la désormais célèbre scène du Sofitel et les conséquences qu’elle a engendrées. Homme puissant, manipulateur, sexuellement dépendant, Welcome to New-York résume en 2h la chute d’un simple individu, pourtant appelé à de hautes fonctions.

 

L’interprétation n’est pas mauvaise, et on n’aurait imaginé personne d’autre pour jouer Devereaux que Gérard Depardieu. De nouveau voilà le génie de Ferrara (ou de son producteur) : donner le rôle d’un scandaleux (DSK) à un autre scandaleux (Depardieu depuis son départ en France). De plus, physiquement, il y a quelque chose qui fonctionne. L’image de prédateur sexuel véhiculé pendant des mois dans les médias à propos de DSK trouve un lien direct avec le corps de Depardieu. En effet, son personnage, Devereaux, n’est finalement qu’un homme soumis à un corps et qui peut en souffrir. Il ne contrôle rien, sa respiration difficile emplit sans cesse le champ sonore, comme s’il était en perpétuel combat contre lui-même. Très clairement, Welcome to New-York est avant tout un film sur un corps sexuel incontrôlé.

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De plus, il y a quelques plans dans lesquels le génie d’Abel Ferrara transparait. Durant sa première parution devant le tribunal, on a entendu maintes fois la juge nous dire que Devereaux serait jugé comme les autres citoyens, qu’il n’y aurait pas de traitement de faveur. Cependant, alors qu’il sort de la salle, la caméra s’attarde sur le prochain accusé, un jeune homme noir, nous livrant par un plan un regard politique acéré sur la justice américaine dont les actes ne correspondent pas aux paroles.

 

Cependant, si le film brille parfois de quelques éclats, il peine à dépasser la simple reconstitution et le génie de Ferrara ne s’affiche plus. La désormais célèbre scène du Sofitel ne fonctionne clairement pas (alors, est-ce là un parti-pris d’un réalisateur ou un échec?) et de nombreuses autres scènes souffrent d’un vide abyssal. Dès lors, la question se pose, et c’est à chaque spectateur de pouvoir y répondre : sommes-nous face à du vide précisément parce que Ferrara décide de filmer la chute d’un homme qui n’est qu’un corps, qui est soumis à ses pulsions ou bien est-ce un film qui est tout simplement non-abouti, qui pourrait s’apparenter à une non-considération du spectateur ?

 

C’est désormais à chacun d’entre nous de décider.

 

Barbara Cornuaud

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