Du coup, au café, l’ambiance n’est plus la même non plus. Le marché du film est plus récent que le festival, mais il est tout aussi, voire même plus important. La compétition ne peut mettre en avant que quelques séances évènements, ne peut primer que quelques films sur des centaines sélectionnés. Du coup, la présence de chaînes de télévision, de grands studios d’animation, d’écoles ; c’est la chance pour ces films tombés dans l’oubli au milieu de cet énorme festival d’avoir une seconde vie, d’ouvrir des perspectives pour leurs auteurs et réalisateurs.
Les étudiants ne parlent plus seulement de films. Ils sont préoccupés par les entretiens d’embauche qu’ils décrochent au fur et à mesure de la semaine. Ils distribuent à tout va leurs belles cartes de visite, expliquent leur parcours, donnent des codes pour voir leur film sur internet. C’est l’émulation de la concurrence. Et ce qui est plutôt beau et sain à annecy, c’est que ce n’est pas une compétition de requin. Personne n’essaie d’écraser les autres. Chacun est curieux du travail des autres, se tient au courant des nouvelles techniques, des parcours de chacun, des thématiques, des graphismes en vogue.
Dans cet esprit, les Work in Progress sont au top. Ces petites conférences ont lieu le matin, tôt, à la salle Pierre Lamy. Des réalisateurs /producteurs/animateurs viennent présenter le projet sur lequel ils travaillent en ce moment. Ils pitch leur film (résumé, thématique), montrent parfois les premiers graphismes, leur travail sur l’animation, l’adaptation. Cette semaine, le Work in Progress qui a fait le plus de bruit est celui de Dragons 2 par Dreamworks. Mais contre toute attente, la conférence du réalisateur Damien Nenow sur son film Another Day of Life a vraiment convaincu du monde, j’en ai entendu parler de partout. Le projet est de faire un film hybride entre animation et prises de vue réelles sur le traumatisme d’un journaliste de guerre polonais en Angola. Ce documentaire de création extrêmement documenté semble très prometteur.
De mon côté, j’ai encore vu une séance de court métrage très hétérogène et décevante. On se rapproche des séances de « Labo » de Clermont Ferrand. Les films sont très expérimentaux, pas drôles pour un sous, plutôt plombant. Bien sûr il est important que les réalisateurs s’expriment librement, et après tout, la douleur et la peine doivent être exprimés dans l’art au même titre que la joie ou le bonheur. Mais un juste milieu serait indéniablement profitable au spectateur. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que l’animation c’est la liberté la plus extrême. A la question « Que peut le cinéma ? » on peut dire, lorsqu’on se réfère à l’animation que le cinéma peut TOUT. Défier les lois physiques, les contraintes techniques pour exprimer une réelle vision intime, un univers personnel. Lorsque je vois ces séances de court métrages très sombres, j’ai un petit peur. Est-ce que l’homme n’a en lui que de la mélancolie, de la tristesse, de la violence ? Le rire, le bonheur, la joie, le beau ne peuvent-ils pas également être moteurs de création ? Pour la peine, voici le lien vers un court métrage drôle qui me fait toujours mourir de rire, même après ma 100ème vue.
Car après tout, lorsqu’on voit le café des arts bondé, musique électro et basses poussées à fond jusqu’à trois heures du matin, je ne peux pas m’empêcher de me dire que Annecy, et les gens en général, c’est plutôt beau, vivant, enthousiasmant.