OGodF

Only God Forgives de Nicolas Winding Refn

 

Présenté en compétition officielle à Cannes, le nouveau film de Nicolas Winding Refn était très attendu. Après l’incroyable Drive qui avait raflé sur une précédente croisette le prix de la mise en scène ; la recomposition du duo entre le réalisateur et son acteur fétiche Ryan Gosling, avait tout pour nous mettre l’eau à la bouche. Mais à avoir trop d’attentes, on est facilement déçus. Ce revenge movie maniériste et ampoulé dans les tréfonds glauques de Bangkok ne m’a pas convaincue.

 

Only God forgives est un film d’ambiance. Les notions de temps et d’espace sont brouillés par un montage qui alterne scènes réelles, fantasmes, rêves. L’espace urbain est presque toujours nocturne, la source de lumière est artificielle et criarde. Les néons, les couleurs primaires, découpent sur les murs les monstres asiatiques : dragons, tigres. Bangkok semble étouffante, l’espace est strictement cloisonné, parfois l’image est noire aux deux tiers. C’est un don incomparable que Nicolas Winding Refn a pour la composition de l’image est la mise en scène. Chaque plan est millimétré, chaque personnage trouve sa place de façon nécessaire. Cela donne un film presque expérimental, esthétisant, qui flotte entre du Wong Kar Wai…

 

… et du Harmony Korine pour son côté trash. Là où Drive avait le géni de jouer sur les effets de ralenti et de fulgurance ; Only God forgivesse contente d’imposer des scènes de torture au spectateur. C’est une véritable typologie des sévices que dresse Nicolas Windng Refn : à la violence verbale d’une mère haineuse se succèdent la violence sourde et contenue de Ryan Gosling, et celle tranchante et immédiate du flic indonésien.

 

Cela aurait pu être particulièrement intéressant, si ce flottement, ce silence, puis cette extrême violence n’avait pas laissé une impression de vide au spectateur. En effet, les éclairs de géni en terme de mise en scène, de retenue, de montage, de lumière deviennent des tics qui, s’ils sont intéressants au début, lassent et cachent un manque cruel d’emphase chez les personnages. Tandis que Drive motivait les actions violentes par un sentiment d’amour, ici, rien ne vient sauver les personnages. Pas de grande scène lumineuse en extérieur, pas de chevauchée automobile salvatrice, pas de rituels.

 

onlygod

 

Ici, les personnages sont des mythes que l’on déconstruit lentement : la mère est incestueuse, le flic est sadique, le beau gosse se fait massacrer, même les enfants ne sont pas épargnés. Ames sensibles s’abstenir car il n’y a aucune sensibilité dans ce film, aucun sentiment. Tout est froid, asseptisé.

 

Finalement, peut-être le film est-il sauvé par cette incroyable séquence réfléxive pendant laquelle on torture un homme, certes, mais où l’on conseille aux femmes présentes dans la salle de fermer les yeux, de devenir des statues. Comme spectatrice, je suis incapable de ne pas regarder. Entre mes doigts, derrière mon écharpe, j’ai le désir pervers de voir, de chercher dans cette violence peut être un peu d’humanité. Car il semble que pour Nicolas Winding Refn, l’humanité, ce ne soit pas le langage, mais le geste motivé par la pulsion. Là, on touche à des choses intéressantes.

 

 Clara Lavigne

 

Découvrez aussi

La 30ème édition de la Quinzaine du cinéma espagnol et latino-américain de Chambéry se déroulera du 13 au 26 mars... Lire la suite
Du 21 au 24 janvier, et comme chaque année à Chambéry, l’Afrique fait son cinéma, à l’occasion de la... Lire la suite
Ciné Bala, le festival des cinémas d’Afrique ! C’est déjà la cinquième édition pour le festival... Lire la suite