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Le grand retournement, de Gérard Mordillat

Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, non seulement le réalisateur retrace chronologiquement la crise des subprimes qui ébranla la finance mondiale en 2008, mais en plus en alexandrin ! Entouré d’une grande galerie de comédiens, on peut dire que l’exercice périlleux est réussi.

 

Ce qui est flagrant dans le film de Mordillat, c’est que tout est théâtre. Le texte bien sûr : qu’il est jouissif cet alexandrin. Ces belles phrases césurées ont un rythme que peu d’auteurs de prose parviennent à donner à leurs dialogues. Pourtant, pas de vieilleries dans le texte du grand retournement. Le vocabulaire est ultra contemporain, les économistes y retrouveront leur compte et les amateurs de jeux de mots et insultes voilées prendront bien sur leur pied. On se dit que la langue française n’est décidément pas un poids mort, qu’après tout l’absence de diphtongue n’est pas une tare, et même sans être Molière, ou Audiard.

 

Mais s’il s’agit de théâtre, ce n’est pas seulement en raison de la langue et du choix extrême de l’alexandrin. Tout le dispositif de mise en scène est théâtral. Un décors unique : un hangar dévasté et désert pour représenter quoi ? Des décisionnaires seuls, et non pas entourés de gens du peuple, premiers concernés par les restrictions. Ou bien pour représenter l’état de la finance elle-même, immense espace laissé à l’abandon, comme s’il s’auto-gérait… plutôt mal. Tout n’est que poussière, gravas, friche industrielle ; un drôle de portrait du monde.

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Enfin s’il s’agit de théâtre, c’est bien parce qu’il y a comédiens. 14 comédiens qui incarnent chacun une étiquette : le président de la république, ô combien malmené ; la journaliste, diction de Béatrice Schoenberg ; les banquiers bien sûr qui interfèrent pour la première fois avec l’Etat (ce si petit homme) et les conseillers, hommes de l’ombre, hommes de convictions… ou pas.

 

En définitive, gare à vous, il s’agit bien là d’un film politique. Le portrait de la crise de 2008 est féroce, l’opinion est sans appel. Néanmoins, que l’on adhère ou pas à celui-ci ; chacun pourra y trouver son compte. Soit parce que l’exercice de style est réussi, mené jusqu’au bout et il faut le dire, relativement jouissif pour le spectateur francophone. Soit par l’intérêt pédagogique (bien qu’à manier avec des pincettes) de ce film sur ce qui nous dépasse, est invisible, et pourtant omniprésent : la crise, la finance, et l’économie.

 

 

 

Clara Lavigne

 

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