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Vous N’avez Encore Rien Vu, d’Alain Resnais, avec Mathieu Amalric, Denis Podalydès, Michel Piccoli, Gérard Lartigau, Hippolyte Girardot, Anny Duperey, Anne Consigny, Sabine Azéma, Pierre Arditi, Lambert Wilson…

Il a 90 ans, et il l’annonce dès son titre : il nous surprendra toujours. Alain Resnais, l’auteur des Herbes Folles, de Cœurs, mais aussi d’Hiroshima mon Amour et de Nuits et Brouillards ; s’amuse une fois encore du spectateur. On aurait pu penser que Vous N’avez Encore Rien Vu serait le film de la synthèse, de la clôture d’une carrière riche et hétéroclite. Et bien détrompez vous. Resnais pour ce film (qui n’est pas le dernier, il a déjà un projet en production !) cherche une fois encore à inventer le cinéma et à questionner sa forme, et plus particulièrement son rapport au théâtre. Car c’est une adaptation de deux pièces d’Anouilh à laquelle on assiste : Eurydice et Mon Cher Antoine ou l’Amour Raté. Le dispositif est relativement simple : un metteur en scène, Antoine d’Anthac, interprété par Denis Podalydès, meurt. Il a souhaité réunir tous les comédiens qui au cours de leur carrière ont joué son Eurydice afin qu’ils regardent une captation de la pièce jouée par une jeune troupe, et leur donner ou non l’autorisation de la jouer.

Je n’ai jamais vu de tel hommage aux comédiens qui jouent tous ici leur propre rôle. Sabine, Mathieu, Pierre, Michel, Anne sont tous aujourd’hui réunis, non pas autour de la mort d’Antoine d’Anthac, mais du film d’Alain Resnais. Tous doivent regarder une captation (réalisée par Bruno Podalydès) d’une mise en scène originale d’Eurydice par une jeune troupe. Tous regardent cette nouvelle génération qui prendra leur place, tôt ou tard. Et c’est l’occasion pour eux de revivre leur rôle, de rejouer la pièce, de reprendre les souvenirs de cette vie commune. Ce sont d’abord des brides de dialogues que les acteurs répètent sur la bouche de la jeune troupe, et puis la magie opère et ils rejouent tous ensemble cette pièce. Les décors en stuc s’envolent pour laisser place à des espaces rêvés : la chambre d’hôtel, le hall de gare.

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Resnais fait si peu cas du réalisme, créant des décors qui crient le carton pâte, c’est comme si son film était lui aussi une captation d’une pièce jouée et écrite. Et pourtant, la magie opère : portés par le texte, les acteurs ne font pas que réciter cette pièce qu’ils ont jouée jadis, ils la revivent véritablement. C’est un hommage à la finesse du jeu d’acteur. L’Orphée de Lambert Wilson est plus séducteur que celui d’Arditi. Anne Consigny est plus vibrante, moins naïve dans son interprétation d’Eurydice que Sabine Azéma. Tout est fait pour le plaisir et le souvenir. Dès que les comédiens se laissent prendre au jeu, Resnais met à contribution tout son art de la mise en scène et du montage pour jouer sur ces trois pièces qui se jouent en même temps : celle filmée par Bruno Podalydès sur un écran projeté ; celle que rejouent les acteurs ; celle que nous voyons où des acteurs jouent à faire les acteurs. C’est vertigineux, mais aussi très troublant de voir que Resnais laisse la place aux nouvelles générations, leur donne un véritable statut, une place à part entière dans son propre film. On ne peut s’empêcher de penser avec un peu de mélancolie qu’il y a là une révérence et un adieu, avant le grand rideau.

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